Par Lama.Le coin des scouts -> Campisme
Le feu
Le feu, il est difficile de s’en passer aux scouts. C’est une nécessité : pour s’éclairer, pour se chauffer, pour cuisiner, pour se sécher… Le feu c’est la joie, c’est la vie, c’est la sécurité, le confort et l’ami. Mais il faut le maîtriser. Pour le maîtriser il faut le connaître et le comprendre.
Allumer un feu
– « Facile chef ! Passe-moi les allumettes je vais l’allumer ce feu ».
– Ah bon ! C’est vraiment facile ? Pourtant je vois que tu en es à la douzième allumette et ça ne flambe toujours pas.
– C’est parce que le bois est mouillé. Et puis le papier ne va pas… D’ailleurs y en a plus.
Posons donc notre attirail et prêtons attention. Il existe quelques principes à comprendre. Nos aïeux paysans savaient tout ça sans pourtant être capables d’énoncer les principes du feu. Nous n’avons pas été élevés à la campagne et nous avons peu d’expérience, raison de plus pour apprendre et brûler ainsi les étapes de la compréhension.
Comme pour toute chose, il existe un minimum à savoir et le reste sera le fruit de l’observation et de l’expérience. Un peu de physique d’abord :
Une combustion
Le feu c’est une combustion et pour une combustion il faut trois choses :
– Des produits carbonés (bois, papier, carton, pétrole, paraffine etc.)
– De l’oxygène qui vient de l’air autour de nous. Le produit d’une combustion c’est de l’eau (sous forme de vapeur) et du gaz carbonique.
– De la chaleur
Mais il ne suffit pas de savoir ça pour bien saisir comment fonctionne un feu.
Physique du feu.
Pour bien comprendre mettons en œuvre une petite expérience. Dans une boîte en fer blanc, une grosse boîte à cirage par exemple ou une petite boîte à gâteaux, plaçons des morceaux de bois sec. Fermons le tout bien hermétiquement mais perçons un trou sur le couvercle (diamètre 3mm environ). Plaçons ensuite la boîte sur le gaz à feu doux et observons. Sous l’action de la chaleur le bois va se décomposer. Tout d’abord une fumée blanche s’échappe du trou. Essayons d’approcher une allumette de cette fumée blanche. Zut ! Mon allumette s’est éteinte. Je recommence. Zut ! Encore éteinte ; normal : cette fumée blanche c’est de la vapeur d’eau, aucune chance de l’enflammer.
Patientons un peu. La fumée blanche s’estompe. Approchons l’allumette. Ah ! Cette fois ça semble vouloir s’enflammer.
Après plusieurs tentatives une flamme jaune s’installe au-dessus du trou.
Cette flamme brûle un certain temps, puis elle vacille et s’éteint. Plus possible de la rallumer. Éteignons le gaz, laissons refroidir et ouvrons la boîte. Oh! À l’intérieur c’est du charbon de bois. Le charbon de bois c’est du carbone pur, (c’est pour ça qu’il est noir). Il n’a pas brûlé parce qu’il n’y avait pas d’air mais nous verrons cette deuxième phase de la combustion plus tard.
Revenons à la première phase de l’expérience. Il s’est simplement passé que nous avons reproduit la première phase de ce qui se passe à l’allumage du feu pour chaque brindille et ceci de manière enchevêtrée et superposée.
Le gaz, le gaz, le gaz
D’abord comprenons bien une chose : ce n’est pas le bois qui brûle, c’est le gaz de bois qui brûle. Et le gaz de bois « sort » du bois sous l’action de la chaleur. Ensuite il faut comprendre une deuxième chose : dans le bois il y a de l’eau et c’est cette eau qui sort en premier sous l’action de la chaleur. Si nous avons bien suivi cette rubrique campisme, nous avons appris que l’eau réclame énormément d’énergie pour se transformer en vapeur. On comprend donc immédiatement pourquoi il faut prendre du bois bien sec pour que démarre bien le feu. L’eau qui se transforme en vapeur pompe toute la chaleur et il n’en reste pas assez pour faire sortir le gaz d’une autre brindille.
Distillation du bois
Heureusement, l’énergie dégagée par la combustion du gaz est surabondante. Mais revenons aux gaz qui sortaient par le trou de la boîte à cirage. Il s’agissait principalement de méthane mais beaucoup d’autres composés se trouvaient dans ces gaz. Tout d’abord du goudron, sous forme gazeuse. Le bois contient environ 5% à 10% de goudron. C’est lui qui pique les yeux et qui noircit les gamelles et les toiles de tente. C’est toujours lui qui donne cette « bonne odeur » de jambon fumé aux scouts de retour de camp. Autrefois on obtenait le goudron pour rendre étanches les coques en bois en distillant le bois. Mais ce n’est pas tout, de la distillation du bois on tire une multitude d’arômes (plusieurs centaines) qui donnent le goût beurre à des croissants qui n’en renferment pas un milligramme et le goût fraise à des yaourts qui n’ont jamais approché, même de très loin, lesdites fraises. Ces arômes signent l’odeur du feu et ils diffusent assez loin dans la forêt. En revanche, la combustion du charbon de bois est parfaitement inodore, il ne reste plus que du carbone (charbon de bois à brûler). Un feu de braise ne sent rien, ne pique pas les yeux et ne produit pas de fumée. C’est pour cela qu’on l’utilise pour les barbecues des pieds tendres. Lorsque brûle le charbon de bois, celui qui était resté dans la boîte en fer, il ne reste plus que du gaz carbonique à s’échapper.
Construire le feu.
Nous y revenons. Il va falloir progressivement se servir de combustions de plus en plus puissantes pour attaquer jusqu’à des rondins bien dodus qui n’ont aucune chance de s’enflammer sous une simple allumette.
Froisser le papier
D’abord du papier bien sec. L’idéal est du papier journal. Il faut éviter le papier glacé qui contient beaucoup de kaolin (calcaire incombustible). Ensuite il faut froisser ce journal de manière très particulière. Trop serré le papier brûle mal et même s’éteint. L’air ne passe pas entre les plis et même chose pour la flamme qui est, ne l’oublions pas, un gaz en combustion. En dessous de 4mm une fente ne permet pas à une flamme de se propager ni à l’air d’alimenter la flamme (pensons au grillage autour de la lampe des mineurs qui contenait le coup de grisou à l’intérieur de la lampe). si on froisse le papier trop lâche, il brûle trop vite sans laisser une source de braises concentrées qui forme un foyer central bien chaud . Froisser le papier est un art et il faut s’y entraîner. Si tu n’as pas de papier tu peux prendre des écorces de bouleau car elles brûlent aussi bien que le papier. Et dans certains cas avec des brindilles bien sèches tu peux te passer de papier.
Il faut qu’une fois la flamme du papier évanouie, il reste un petit paquet bien concentré de braises de papier. Alors que la flamme sera évanouie, cette boule incandescente reste capable d’enflammer les brindilles autour d’elle.
Des brindilles aux bûches
Ensuite, sur le papier il faut entasser des brindilles bien sèches. S’il pleut, on ramassera les brindilles mortes sur les arbres. Elles y sont beaucoup moins mouillées qu’au sol. Le mieux consiste à édifier une pyramide qui coiffe complétement les boules de papier froissé. Ainsi toute la chaleur du papier est récupérée pour du bois. Et peu à peu, on continue la pyramide en plaçant des brindilles de plus en plus fortes et toujours aussi sèches que possible. Ces conseils paraissent superflus lorsqu’il fait bien sec mais sont de première importance lorsque le temps est à la pluie. S’il pleut vraiment on commencera par abriter l’aire du feu grâce à un cerf-volant, une bâche ou un ciré. Lorsqu’on allume il faut réussir « l’avalanche » de chaleur : la chaleur du papier amorce la première couche de brindilles qui amorce la deuxième couche et ainsi de suite. Si le feu est bien fait, ça fume, ça fume mais ça ne chauffe pas encore car toute la chaleur passe dans le bois pour lui faire cracher son eau et son précieux gaz. Mais après, mes amis, quelle flambée ! Ensuite les flammes se calment et ne restent que des braises qui brûlent sans flamme sans odeur et sans fumée.
La majeure partie de l’énergie du bois réside dans ces braises. Lorsque toutes les braises sont consumées il ne reste que les cendres, les cendres sont les sels minéraux incombustibles contenus dans le bois. mais figurez-vous que ces cendres peuvent nous être utiles à quelque chose.
Précautions à prendre
Allumer un feu n’est pas un acte anodin, le feu maîtrisé est un allié des hommes mais lorsqu’il se déchaîne, c’est l’enfer. Avant de commencer un feu, il faut choisir l’endroit. On se référera au choix du lieu pour un bivouac. Ensuite on vérifie qu’aucune branche ne s’étend au-dessus du feu. En revanche on s’interdira de faire du feu dans une sapinière. Une fois enflammées les branches de sapin brûlent toutes seules car elles crachent immédiatement beaucoup de gaz combustibles qui proviennent d’essence végétale enfermée dans les aiguilles, chose qui n’arrive pas avec des feuillus.
Une fois l’emplacement du feu choisi, il faut d’abord écarter les feuilles mortes sur 2m de rayon et creuser un trou jusqu’à atteindre la terre et s’y enfoncer d’au moins 20 cm. Le résidu de terre sera empilé au bord du trou. Souvent on entend dire que le feu peut prendre par les racines. C’est stupide. Une racine est gorgée d’eau et en absence d’air elle ne peut certainement pas brûler. En revanche pas de feu dans la terre de bruyère ou la tourbe qui elles sont combustibles, qui sont souvent bien sèches et qui laissent passer l’air. La terre de bruyère ou la tourbe sont formées de débris végétaux, bien sûr on ne fera pas de feu dans un tel terrain.
Pour un feu de bivouac on prendra les précautions habituelles, ce feu n’est pas très violent et présente très peu de risques. Si pendant la nuit on fait sécher des choses, on se méfiera de l’inflammation spontanée des matériaux trop chauds car placés trop près du feu.
Inflammation spontanée
Hein, quoi ? Inflammation spontanée ? Oui. Encore un peu de physique. Il existe deux manières d’enflammer les choses : par une flamme vive, une étincelle fait l’affaire ou alors par l’atteinte de la température d’auto inflammation. Bien sûr pour tout ça il faut de l’air. Par exemple du pétrole ne s’enflamme pas même si on lui présente une allumette. Il faut le chauffer à environ 70°C. Alors là, il veut bien s’enflammer au contact d’une flamme, en fait ce sont les gaz de pétrole qui s’enflamment et non pas le liquide. Mais si, en présence d’air, on le chauffe vers 400°C, même sans étincelle ni flamme, il s’auto-enflamme. C’est ce qui se passe dans les moteurs diesel. Même chose pour le papier, même chose pour le bois, même chose pour les vestes de treillis, les chaussures, les chaussettes ; laissés trop près du feu, ces effets risquent de s’enflammer même si le feu n’est plus que braise.
Les étincelles
Si on est en veillée, le feu est plus imposant et les flammes montent haut. Elles entraînent de nombreuses étincelles qui sont de minuscules petites braises. Généralement elles sont consumées avant de retomber au sol un peu comme les étoiles filantes mais ce n’est jamais une certitude. Il faut rester toujours vigilant en toutes saisons mais très particulièrement par temps sec. En hiver par exemple, les fougères sèches peuvent très facilement s’enflammer.
Autres considérations
Il y a énormément à dire sur le feu et sa maîtrise est tout un art. Ça s’apprend au cours de toute une vie scoute. Il faut beaucoup pratiquer et surtout beaucoup observer.
Nous apporterons juste quelques précisions. Il existe des bois durs et des bois tendres. Les bois durs très denses comme le chêne renferment peu d’air et brûlent assez mal s’ils ne sont pas plongés dans un foyer violent. Les gaz combustibles ont du mal à s’échapper, il y a peu de flammes. En revanche ils durent longtemps. Les bois légers comme le bouleau, le sapin, renferment beaucoup d’air et brûlent bien mais assez rapidement et il faut recharger souvent le feu.
Les cendres forment un excellent isolant thermique et cependant elles laissent tout de même passer un peu d’air. C’est pourquoi les braises peuvent somnoler si longtemps sous la cendre. Curieusement, s’il pleut la nuit sur le feu du bivouac, celui-ci semble s’en ressentir mieux au petit matin. On le retrouve avec des braises de bonne vigueur. Tout simplement l’eau de pluie sans l’éteindre, a ralenti la combustion. Au matin il reste donc encore du carbone à brûler.
Enfin il faut aussi savoir que la flamme n’est pas vraiment un volume mais plutôt une surface. À l’intérieur de la surface se trouvent des gaz chauds ascendants pas encore brûlés. Ils brûlent sur une petite distance toujours en montant, ça forme la flamme et ensuite ce sont des gaz brûlés, qui continuent de monter. Mais tout n’a pas brûlé, il reste beaucoup d’infimes particules de carbone, de goudron qui ne se sont pas encore combinées avec de l’air. Sous la chaleur de la combustion ces particules sont portées à incandescence et c’est ce qui donne la belle couleur jaune orangée de la flamme. Certaines de ces particules finissent par brûler; les autres non et elles se déposes sur les habits, les gamelles, les toiles de tente: c’est le noir de fumée et le goudron.
La chaleur
Il faut connaître les 3 modes de propagation de la chaleur :
– le rayonnement
– la conduction
– la convection.
Le rayonnement chauffe à distance sans aucun support physique. C’est ainsi que nous chauffe le soleil. Une flamme rayonne, des braises rayonnent, une paroi chaude ou même tiède rayonne. C’est ainsi que nous chauffe le feu lorsque nous sommes rassemblés autour. Un simple écran stoppe ce rayonnement. C’est ce qui arrive lorsque le novice s’interpose entre le feu et toi.
Ensuite il y a la conduction. Si j’attrape par son extrémité une barraf sur le feu, je la sens tiède voire chaude. La chaleur trouve un canal physique dans le métal (ou dans d’autres matériaux conducteurs de la chaleur) et s’y écoule. En général les métaux conduisent assez bien la chaleur, la pierre et la terre moins bien et le bois très mal (car le bois est plein d’air). Tu as certainement remarqué qu’on se brûle les lèvres sur un quart d’aluminium en voulant boire chaud son thé. (L’aluminium est un des meilleurs conducteurs de la chaleur). Depuis, les militaires ont conçu des quarts en titane qui est un piètre conducteur de la chaleur. ainsi on ne se brûle plus les lèvres. Comme nous l’avons vu, le bois est un isolant pour la chaleur. À tel point que dans le plus violent incendie il brûle toujours à la même vitesse : 0,7mm par minute parce que la chaleur n’arrive pas à progresser plus vite. c’est une particularité intéressante sinon le bois brûlerait beaucoup plus vite en développant énormément de chaleur (beaucoup trop). ainsi il brûle lentement et longtemps.
Enfin la chaleur se propage par convection, c’est à dire par déplacement physique de masses fluides et chaudes. Le radiateur chauffe de l’air qui se déplace dans toute la pièce. Le feu produit des gaz chauds, vapeur d’eau, gaz carbonique qui viennent lécher la gamelle de spaghettis et y laissent un peu de leur chaleur et de leur goudron.
Toutes ces considérations pour bien s’ancrer une certitude, ce n’est pas le feu en tant que tel ou la flamme qui brûle et qui détruit mais c’est la chaleur. On peut fort bien être à l’abri de la flamme mais rester exposé à la chaleur. C’est ce qui arrive au bifteck sur la poêle, il n’est pas exposé à la flamme mais il cuit tout de même. C’est ce qui se passe lorsque qu’on n’a pas prévu assez d’épaisseur de terre pour la table à feu : sous la chaleur du feu, le bois de la claie se détruit peu à peu. Le bois de la claie n’est pas assez chaud pour s’auto-enflammer mais il l’est assez pour charbonner. Il crame en douce, jour après jour, des braises arrivent même à se former. Et puis un jour, généralement le 10ème, crac ! La tablaf par terre.
Pour éteindre le feu
– Chef, chef, je sais, il faut l’arroser !
– Idioties mon garçon. Idioties de citadin. D’abord tu vas user toute ta réserve d’eau et tu ne seras même pas sûr d’avoir éteint ton feu.
Il n’y a qu’une seule technique en 5 étapes :
1° prévoyant qu’on va éteindre le feu on arrête de le charger et on le laisse brasiller.
2° ensuite on rassemble toutes les braises au centre et avec ses grosses chaussures on écrase tout. Jusqu’à réduire toutes les braises sous forme de poussière. En absence d’air, la braise s’éteint immédiatement (comme dans la boîte à cirage). Lorsqu’une poussière noire monte entre les chaussures pilonneuses on est dans le bon.
3° recouvrir de TERRE minérale ou de sable bien partout et tasser encore. Pas de terreau ou de tourbe.
4° s’assurer qu’aucune fumerolle ne monte plus du terrain. Sinon recommencer à tasser.
5° camoufler le tout intelligemment.
Si on est vraiment scrupuleux, on arrose alors l’endroit du feu. l’effet de l’eau sera de refroidir les parties qui pourraient encore être restées chaudes et l’eau va aussi bloquer le passage de l’air. ainsi le feu sera totalement éteint.
NOTA si avant de piétiner le feu on a retiré des brandons, ceux-ci seront éteints avec de l’eau. Le mieux consiste à les plonger dans une gamelle au lieu de les asperger. L’eau de la gamelle prend un peu de teinte mais n’est pas souillée et reste parfaitement potable.
Maintenant voici ce qui se passe si on déverse un bidon dans le feu. L’eau coule au fond. Les braises protégées par la cendre flottent sans s’éteindre. Le trou bien asséché par le feu absorbe l’eau presque immédiatement et tu peux recommencer à y verser de l’eau car cette première goulée n’a servi à rien du tout. Mais les brandons continueront à flotter tout de même. Bref si tu penses que gaspiller ton eau est une bonne chose, tu peux vider plusieurs bidons pour éteindre le feu. Tu peux t’amuser à asperger au lieu de verser, c’est moins idiot dans le sens où tu consommes moins d’eau mais ce n’est pas plus efficace.
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Très intéressant et instructif, un grand merci pour ces connaissances que l’on devrait tous connaitre.