Par Lama. Le coin des scouts -> Forestage et installations
Une fois que l’assemblage tenon-Mortaise est compris et assimilé, tu peux t’attaquer à quasiment n’importe quoi. Il suffit maintenant de comprendre comment concevoir. Nous avons vu dans la section architecture qu’avec le Tenon-Mortaise il fallait concevoir en encastrement, en angles droits et donc en rectangles et parallélépipèdes (c’est là un mot barbare, nous dirons boîtes ou modules par la suite).
Cette conception optimisée pour les installations en termes d’outils, de temps et de matériaux présente énormément d’avantages. Le premier de ceux-ci étant la rapidité d’exécution.
Pourquoi est-ce solide ?
Si nous construisons un cadre avec 2 montants et 2 traverses, il faut réaliser 4 assemblages TM.
Si maintenant nous utilisons la technique Mi-Bois Chevillé il faut également réaliser 4 assemblages. Comparons les résultats en rigidité.
Voilà tout est dit un cadre construit avec assemblage Tenon-Mortaise est rigide par lui-même et ce n’est pas vrai pour celui réalisé avec des mi-bois chevillés. Pour atteindre à peu près la même rigidité il faudrait prendre des rondins bien plus gros et y planter des chevilles mastoc. Avec l’assemblage TM on peut travailler avec des perches, ça marche très bien.
Nous avons donc un cadre mais pas encore d’installation. Étudions encore un peu ce cadre. Cette construction élémentaire est extrêmement solide même si elle est réalisée de manière approximative. Elle présente juste un peu de souplesse en torsion, c’est à dire qu’en insistant beaucoup on peut la vriller un peu.
Ce cadre pourrait comporter 3 ou 4 montants mais cela devient plus dur à réaliser et n’apporte pas beaucoup de résistance supplémentaire. S’il est facile de bien enfoncer à bloc deux montants dans les traverses, il est bien difficile qu’un troisième ait pile la bonne longueur pour qu’il soit lui aussi parfaitement enfoncé. Sur trois montants, deux seulement seront bien enfoncés et le suivant un peu moins bien. Au début contente-toi uniquement de cadres à deux montants.
Soigner les parallèles et les angles droits
La réalisation de ce cadre doit être soignée car si sa solidité n’est pas affectée par des équerrages approximatifs il n’en est pas de même pour la maîtrise des dimensions de l’installation par la suite. Un cadre soigné présente des mortaises bien parallèles et ses tenons bien parallèles. Faire des mortaises parallèles c’est facile, il faut que la première soit bien orientée tout au début. Il est donc important de se faire aider ou de bien vérifier le départ de chaque mortaise. Quand la première mortaise est faite, il suffit d’y ficher une perche rectiligne de même diamètre qui va matérialiser l’axe de la mortaise, on s’alignera sur cette référence pour le percement des mortaises suivantes.
Il faut également tailler les deux tenons des montants bien parallèles même si les montants sont un peu tordus. Avec un peu d’adresse on rattrape assez facilement ce type de désalignement et il est assez facile de travailler les tenons à la hachette d’abord puis au couteau ensuite pour les aligner entre eux en les éloignant un peu de l’orientation des fibres du bois aux extrémités. Tes premiers résultats ne seront pas impeccables mais pas de panique ! Il est encore possible de corriger.
« Balancer » les pièces
Au moment de l’enfoncement, quand tes quatre mortaises et tes quatre tenons sont prêts il faut les emboîter mais ne les serre pas encore, il faut auparavant « balancer » les montants. Les montants sont des pièces de révolution axiale et tu peux choisir leur orientation en les pivotant. Si tes pièces ne sont pas vraiment droites, en pivotant les tenons tu vas trouver finalement une bonne position qui te donnera un cadre bien plan. Lorsque cette position relative de tes quatre pièces est trouvée, tu peux serrer l’ensemble.
En place … On serre !
Pour serre efficacement procède de la façon suivante. Frappe le premier montant sans aller à fond et surtout sans détériorer le tenon sur lequel tu frappes, place ensuite le deuxième montant dans la bonne position également et enfonce-le de la même manière. Ensuite présente la traverse supérieure et empale-la sur les deux tenons. Frappe la traverse avec un maillet en faisant attention de ne pas faire éclater l’écorce (sinon tu serais obligé de retirer partout l’écorce pour faire disparaître quelques endroits abîmés). Retourne alors le cadre et frappe l’autre traverse de la même manière que la première. Tu peux considérer que tout est bien enfoncé quand les extrémités des tenons affleurent l’autre extrémité des mortaises.
Pour recevoir les coups de serrage, ton cadre est appuyé au sol, contre un arbre ou contre quelque chose d’inamovible. On peut utiliser le sol en couchant ou retournant le travail en court. À la place d’un appui inamovible, tu peux utiliser une contre masse. Il faut placer cette contre masse en face de l’endroit où frappe le maillet. Normalement il suffit d’appliquer simplement cette contre masse. À chaque coup de maillet elle va reculer sous le choc mais l’effet aura ét obtenu. Il suffit de la faire revenir à sa place, appuyée contre le travail à l’opposé de l’endroit de la frappe du maillet.
Pour frapper, il vaut mieux avoir une grosse masse qui va lentement qu’une petite masse animée d’une grande vitesse. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à se fabriquer de très gros maillets ou alors utiliser des béliers. Ces grosses masses serrent les assemblages en douceur en jouant uniquement sur les inerties. Pour éviter d’éclater l’écorce ne frappe pas toujours au même endroit. En outre, intercale une « blague » entre l’outil qui frappe et la traverse, il s’agit d’une pièce de bois qui va amortir les chocs et transmettre les efforts vers les pièces à serrer.
Le tourniquet
Il existe une autre méthode pour serrer des cadres, elle est particulièrement recommandée pour les cadres de grandes dimensions, utilise un tourniquet ! Lorsque les assemblages sont en place et qu’ils ont été serrés modérément avec le maillet, on installe un tourniquet de corde entre les deux traverses et le tends bien fort. On frappe alors les traverses modérément avec le gros maillet ou le bélier et on constate que les assemblages se serrent comme par magie. Resserrer encore le tourniquet et recommencer la frappe. Au bout de quelques itérations, les assemblages sont serrés à bloc sans qu’il soit besoin de forcer. Bien sûr, cette méthode abîme très peu les écorces puisqu’on y frappe modérément.
Les modules
Lorsque le premier cadre est réalisé, il faut en construire un deuxième. Ces deux cadres seront ensuite assemblés ensemble à l’aide de longerons et le tout formera un module (parallélépipède rectangle). Les quatre longerons sont de longueurs égales et se terminent par des tenons dont on aura soigné le parallélisme. Ces tenons vont venir s’emboîter dans des mortaises percées dans les montants des cadres.
Attention !
Ces mortaises ne doivent être percées que lorsque le cadre est terminé et pas avant. Il n’est pas question de les percer d’avance sinon il te sera impossible de balancer les montants au moment du serrage des cadres. Pour percer les quatre mortaises d’un cadre il faut commencer par placer ce dernier bien à plat sur un sol régulier et plan. Le cadre ne doit pas être vrillé sans quoi l’opération se révélerait impossible. Ensuite il suffit de percer la première mortaise bien perpendiculaire au sol en s’appliquant bien comme il faut. Une grande cheville rectiligne est placée dans la première mortaise pour matérialiser son axe et servir de référence pour l’orientation des mortaises suivantes.
Lorsque les deux cadres ont été percés quatre fois chacun, tu peux assembler en procédant comme pour un cadre mais c’est un peu plus compliqué car tu dois gérer l’enfoncement de 4 pièces au lieu de 2. Utilise un ou plusieurs tourniquets c’est presque indispensable si ton module est de grandes dimensions. Les longerons sont également balancés pour trouver leur meilleure position.
Je tiens ici à te faire remarquer qu’il existe deux types de pièces de bois : celles qui sont percées
de mortaises et celles qui n’en possèdent pas. Celles qui sont percées vont devoir présenter un diamètre conséquent pour conserver malgré les perçages une résistance suffisante (suivant situation, le perçage de la mortaise représente de de 30% à 40% le diamètre du rondin)
Celles qui ne sont pas percées peuvent être bien plus minces, il suffit simplement de pouvoir y tailler des tenons aux extrémités. S’il s’agit de longerons pour des lits, tu les choisira tout de même d’un diamètre conséquent.
Optimiser la matière
Si tu sais bien gérer le paramètre diamètre des pièces, tu vas pouvoir optimiser le produit de tes coupes en utilisant astucieusement les gros et les petits diamètres. Regarde bien sur les différentes réalisations qui te sont proposées certaines pièces ne possèdent pas de mortaises et le dessin montre bien l’intérêt qu’il y a à les prévoir relativement fines.
C’est solide et modulaire
Tu viens te terminer ton module, tu peux lui attribuer la fonction que tu désires, il suffit de modifier ses dimensions au moment de la construction. Avant de poursuivre plus loin, teste un peu la solidité de ce module ! Tu vas être étonné de sa raideur alors qu’on aurait pu s’attendre à une certaine souplesse liée à sa conception qui n’est pas triangulée donc théoriquement déformable. Cette raideur est uniquement le fait des encastrements tenon-mortaise dans chaque direction.
Il existe plusieurs variantes de montage et d’arrangement entre les traverses, les montants et les longerons et tu les utiliseras en fonction des installations que tu imagineras. Il y a beaucoup d’installations où les modules ne sont pas fermés, ce peut être le cas de tables par exemple ou de tables à feu dont les pieds peuvent être plantés dans le sol. Dans tous les cas il faut veiller à obtenir une bonne rigidité dans toutes les directions. Les différentes combinaisons entre traverses, montants et longerons te sont présentées sous forme de schémas car il serait trop fastidieux et pas du tout efficace de te les décrire dans ces lignes. Le panorama présenté n’est pas clos et il t’appartient de trouver d’autres arrangements et d’autres installations.
Mortaiser au fur et à mesure
Revenons sur deux aspects essentiels de la réalisation de tels modules. Tout d’abord il ne faut percer les mortaises qu’au fur et à mesure de l’avancement de l’ouvrage. Il ne faut surtout pas les percer d’avance sous peine de te tromper en permanence dans leur position et dans leur orientation. Par ailleurs, bien souvent après avoir assemblé et serré, certaines cotes ne sont pas exactement celles attendues. Une différence de quelques cm peut survenir. Dans certains cas tu en tiendras compte pour percer les mortaises suivantes.
S’appliquer et corriger à chaque étape
Il faut donc avoir l’œil en permanence aux aguets pour percer et tenonner droit d’une part et d’autre part pour repérer et corriger à chaque étape les petites imperfections. Si tu n’as pas l’œil en permanence à ces petites corrections. Si tu ne le fais pas tu risques d’obtenir des installations toutes de guingois aux dimensions approximatives ; je ne parle même pas des pièces que tu serais obligé de recommencer. La construction doit être semi-instinctive et assez ludique. Seul un plan d’ensemble coté te suffit. Il ne faut surtout pas créer des plans de pièces toutes terminées prêtes à être montées. Nous ne sommes pas ici à l’usine, jette donc les plannings Pert, les gammes d’usinage et les préparations méticuleuses. Le forestage est un jeu, un jeu qui doit être joué sérieusement certes mais un jeu tout de même et il faut le vivre comme un jeu. Un jeu demande de l’adresse, de la maîtrise de soi, de la force et de l’endurance mais il procure le plaisir et transporte dans un autre monde celui qui s’y adonne.
C’est bien cela que tu dois atteindre, le forestage réclame tout cela et si tu te glisses dans le personnage du forestier médiéval ou du trappeur du Nord tu ne fais que vivre à plus grande échelle et avec plus de moyens tes jeux d’enfant lorsque tu construisais des cabanes.
Plantées ?… Non ; Posées au sol
En deuxième point il faut vraiment te persuader qu’il est toujours plus simple et plus intéressant de poser ton installation à terre plutôt que de l’y planter. La réalisation est beaucoup plus simple et bien plus solide mais pour cela il faut utiliser impérativement l’assemblage tenon et mortaise et abandonner le mi-bois chevillé du froissartage. Ceci est valable pour les petites installations mais également pour les grosses. Tu ne trouveras que des avantages à poser au sol au lieu de planter.
Équiper les modules
Bien sûr, les modules ne fournissent que l’ossature de ton installation, il faut ensuite équiper ces modules et les aménager pour atteindre la fonction que tu leur destines. Une claie serrée terminera une table de repas, une claie espacée et un matelas de branchages, de feuilles et de mousse donnera toute sa signification à un lit.
Les modules ainsi réalisés peuvent servir tels quels après avoir été équipés de claies, ils peuvent également être assemblés entre eux pour donner des installations plus grandes et là il n’y a plus de limite à l’imagination. En six ans de maîtrise scoute, j’ai réalisé six Kraals totalement différents, tous suivaient cette technique de construction en modules. De la même manière, toutes les patrouilles inventaient chaque année un nouveau plan de coin de patrouille.
Rigide et solide
Les autres techniques d’assemblage peuvent maintenant et seulement maintenant t’aider pour compléter le gros œuvre : un petit mi-bois par ici et un petit chevillage par-là et ton installation est terminée. L’essentiel est de faire porter tout l’effort de résistance à la structure en tenon-mortaise. C’est la seule technique qui soit à la fois rapide, simple et extrêmement solide. Un assemblage Mi-Bois-Chevillé réalise à peu près la même rigidité qu’un brêlage. Alors qu’un assemblage Tenon-Mortaise soude littéralement les deux pièces tenons et mortaise. Grâce à cette propriété de l’assemblage par tenon-mortaise il n’est plus nécessaire de trianguler les constructions alors que c’était indispensable avec les assemblages MBC. L’assemblage TM permet en outre de travailler avec des perches bien plus minces qu’avec l’assemblage MBC ; avec une mortaise, on ne retire en résistance de la pièce de bois que l’équivalent du diamètre de la mortaise. En utilisant un assemblage par Mi-Bois-Chevillé, on supprime bien souvent la moité e chaque perche ainsi que le trou de la cheville.
L’assemblage tenon-mortaise est facile à assimiler et dès que quatre ou cinq scouts le maîtrisent dans ta patrouille, tu peux te lancer dans des constructions ambitieuses. Avec un bon plan, tu peux avoir terminé toute la structure d’une magnifique tente-résidence en une seule journée, une table de salle à manger peut être achevée avec ses bancs en une demi-journée, il ne faut pas plus de temps pour réaliser tout le coin cuisine et vaisselle. Le reste du temps de la période des installations est alors consacré aux finitions et aux raffinements. Quelle satisfaction pour toute la patrouille de se savoir capable et compétente !
Concevoir en modules
Lorsque la technique des cadres et des modules est bien assimilée, elle doit transparaître dans la conception de tes installations. À partir du besoin que tu exprimes ou de l’idée que tu suis, il faut arriver à ramener toutes les formes et les volumes à des cadres et des modules ou des dérivés. Il faut absolument arriver à ce que tous les assemblages tenon-mortaise soient à angle droit. Une autre préoccupation très importante est celle de la rigidité, l’assemblage en cadre et en module doit toujours être disposé de telle manière que les articulations dans l’axe des tenons soient toutes neutralisées sinon l’installation peut se replier comme une table pliante dont on n’aurait pas engagé les verrouillages.
Pour ta conception, n’hésite pas à imaginer que le tenon est comme totalement libre en rotation dans sa mortaise, cela t’évitera de commettre de belles erreurs. Quand après avoir bien mûri ton projet, tu souhaites le mettre à exécution, il faut absolument passer par un plan sur lequel tu représentes à l’échelle les utilisateurs dans leurs principales occupations : assis à table si tu réalises une table de salle à manger, debout devant la table à feu en train de travailler si tu conçois la cuisine. Ces dessins associés aux trois ou quatre dimensions d’ergonomie essentielles et tu ne feras plus aucune erreur grossière ; comme de ne pas pouvoir placer ses genoux sous la table de repas ou d’avoir la tête qui touche les lits supérieurs lorsque tu es assis sur les banquettes inférieures.
Le plan de réalisation, celui que tu emmèneras au camp, ne sera réalisé que lorsque tu seras bien clair dans ta tête. Il comprendra un plan en perspective coté (c’est à dire avec les cotes ou dimensions) et l’ordre de réalisation et de montage des différents sous-ensembles si le projet est un peu complexe.
En aucun cas il ne faut dessiner toutes les pièces découpées et percées, c’est le plantage assuré et ce n’est pas intéressant à construire. Il faut réaliser les cadres et les percer ensuite en fonction de la phase suivante du montage. Cela te permet d’abord de ne pas te tromper et ensuite tu peux adapter en permanence ta construction pour corriger les imperfections dues aux bois bruts.
Une maquette
Avec le plan, l’idéal est de réaliser une maquette à l’échelle 1/10ème ou 1/5ème avec des baguettes de noisetier que tu prendras un peu noueuses pour ne pas t’imaginer que tout sera parfait. Les mortaises sont faites à l’aide d’une perceuse et d’un foret adéquat (3 mm pour une échelle 1/10ème ou 5 à 7 mm pour 1/5ème), les tenons seront taillés soigneusement au couteau, c’est très facile et la maquette est très fidèle en termes de solidité et de rigidité. Si la maquette est branlante, la réalisation à l’échelle 1 le sera aussi. C’est sur la maquette qu’il faut trouver les erreurs et y remédier en ajoutant des pièces ou en concevant à nouveau la structure. C’est bien plus simple sur une maquette que pendant le camp, la veille de la clôture du chantier.
Cette maquette te permettra donc d’éviter beaucoup d’erreurs et elle te permettra d’améliorer ton installation. Réalisée en patrouille la construction de la maquette simule assez bien en raccourci ce qui se passera au camp. Il faut que tu l’utilises un peu comme une petite répétition, cela te fera gagner beaucoup de temps au camp pendant la période de construction. Cette maquette démontée sera emportée au camp et remontée en quelques minutes.
Esprit projet
Il faut absolument présenter cette maquette au chef de troupe qui peut être de bon conseil et pourquoi pas aux parents et aux familles des scouts à l’issue d’une sortie ou en la faisant circuler ? Faisons mieux connaître et partager ce que nous vivons et lançons-nous des défis, c’est comme cela que nous progresserons.
Un projet présenté au grand jour est comme un contrat ; il engage ceux qui portent ce projet à le réaliser vraiment et à prendre les moyens pour sa réussite.
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