Mission ARWANN à Saint Pétersbourg

Article paru dans Présent du vendredi 18 septembre 2015
propos recueillis par Anne Lepape

François Villars, vous revenez d’un séjour à Saint-Pétersbourg, qu’est-ce qui vous a conduit là-bas ?
— Je travaille sur trois ouvrages qui se dérouleront en Finlande, à Pétersbourg et dans les Pays Baltes. Je connaissais déjà très bien la Finlande, assez bien les États baltes mais pas du tout la ville de Pierre le Grand. Nous avons donc monté une mission Arwann pour nous imprégner de l’atmosphère de la deuxième ville de Russie. Nous y sommes allés en minibus et ferries, sans voyagiste, en supportant de perdre deux heures au poste frontière, à l’aller comme au retour. Il est indispensable de posséder quelques rudiments de russe, l’anglais est très rarement parlé. Pour mieux sentir la population et la ville, nous avons choisi de camper… très folklorique !

— Saint-Pétersbourg est célèbre pour ses palais, ses musées et ses églises, les avez-vous visités ?

La mission ARWANN devant Saint Sauveur par le sang
La mission ARWANN devant Saint Sauveur sur le sang versé

—Je n’ai qu’un mot : tout est magnifique. À Pétersbourg, tout est extraordinairement beau et cette beauté parle aussi bien aux initiés qu’aux âmes simples. Les restaurations de la résidence d’été, Peterhof (prononcez Petergof pour être compris) comme celle du palais de l’Ermitage, sur la Neva, sont exceptionnelles et rien, comme un vagin de la reine ou un homard géant en plastique, pour gâcher l’émerveillement.
Lors de notre visite à l’Ermitage, c’était le jour mensuel de gratuité, à l’heure d’ouverture il y avait deux files d’au moins 3 000 personnes chacune… Grâce à nos billets pris sur internet, nous sommes entrés les premiers et avons pu découvrir ce magnifique palais avant que la foule ne l’envahisse. Chaque salle est unique et offre un ravissement différent. Du temps de Pierre le Grand et longtemps après encore, il est certain que les moujiks ont souffert mais, aujourd’hui, chaque Russe possède pour lui cette beauté extraordinaire et, en ce jour de gratuité, les russophones supplantaient très largement les groupes de touristes.
Pour les églises et les cathédrales, je n’ai qu’un conseil, il faut absolument visiter ces merveilles le matin, dès l’ouverture, pour éviter l’affluence.

— En dehors du parcours du touriste obligé, où êtes-vous allés pour rencontrer l’âme de Pétersbourg ?
— Nous sommes allés sur la route, dans le métro, dans les gares, dans les bus et les trolleys, les tramways, les stations-services (35 roubles le litre de diesel = 0,48 euros), les supermarchés, les magasins, les cafés, les banques, les boutiques bon marché, les souks orientaux, la perspective Nevsky, les cités HLM, les nouvelles cités, les chantiers… partout. Pétersbourg est une ville récente, pas de ruelles, tout est large et spacieux et les immeubles n’excèdent jamais quatre étages, l’eau des canaux est partout.
Au-delà du centre-ville avec ses monuments se trouve une large ceinture « stalinienne » et, encore au-delà, une ceinture de bâtiments récents et modernes. La phase de restauration au centre semble presque achevée et il y a relativement peu de travaux en cours, mais il suffit de regarder au loin depuis l’immense dôme de Saint-Isaac pour découvrir une forêt de grues : Pétersbourg est une ville en pleine expansion. D’énormes travaux maritimes ont lieu pour que l’île principale de Vasilievski puisse accueillir toute sorte de ferries, rouliers et autres gigantesques navires.

— Quels sont les points qui vous ont marqués et que nous retrouverons sans doute dans ces prochains ouvrages que vous nous promettez ?
— Il y a tant à dire ! Mais je ne retiendrai que deux points. Le premier concerne la population : Pétersbourg étant la plus européenne des villes russes, je m’attendais à y trouver l’équivalent des Parisiens et des Parisiennes… quelle erreur ! Le cœur de la Russie a été initialement peuplée de Slaves ou Rus qui viendraient des Carpates, des Vikings ou

Palais de l'Ermitage : Tout y est extraordinairement beau
Palais de l’Ermitage : Tout y est extraordinairement beau

Varègues s’y sont mêlés. En revanche, l’empire russe d’aujourd’hui rassemble un grand nombre de peuples. Observons les frontières : des Finnois et des Scandinaves vers le nord-ouest, des Germaniques vers l’est, des Arméniens au sud-est, des Irakiens et de Iraniens plus loin au sud-est et, enfin, des Jaunes de tous types, dans toute la Sibérie et jusque sur les côtes arctiques. Cette grande diversité se retrouve dans les types russes. En se promenant sur la perspective Nevsky, (une fois retirés les touristes étrangers, très reconnaissables), on ne peut ignorer qu’on se trouve en Russie. Les hommes présentent en majorité des traits typiques rappelant un peu les mustélidés, ou alors ils ont la tête bien ronde, il y a également des profils d’aigles pour ceux du sud-est. Chez nombre de femmes, on distingue la touche hunnique, mongole, tchouktche, yakoute, nenètse : visage large, pommettes hautes, yeux très clairs, très expressifs et légèrement bridés, et souvent ce petit nez fin, en trompette, qui se termine en boule. Il y a beaucoup d’élégantes sur Nevski et elles aiment la couleur, contrairement aux Parisiennes qui n’aiment que le noir. Et les hommes ? Les hommes semblent ignorer le port du jogging et c’est tant mieux. Les jeunes gens m’ont laissé une impression de virilité bien supérieure à celle que l’on perçoit en France.
Nous avons été aussi très surpris du nombre de mariages rencontrés chaque jour : au moins cinq ou six, de toutes conditions sociales.
La nation russe réalise une cohabitation parfaitement réussie car il n’y a pas de déracinés, pas de racisme et… pas de complexes : dans le souk ouszbek, un peu derrière les grands magasins, pistolet mitrailleur approvisionné en bandoulière, j’ai vu un policier tout seul qui contrôlait deux « faciès » qui se tenaient à carreau. Imaginez la même scène aux puces de Saint-Ouen !

— Et le second point qui vous a marqué ?
— La vie est très simple malgré la technologie. Chacun s’adapte pour le détail et l’efficacité. Imaginez par exemple Paris sans péage, sans parcmètres, sans radar, sans caméras et sans encombrements ! Pourtant, ça roule et ça stationne et malgré ça, même aux heures de pointes, pas de coups de klaxon rageurs, pas d’énervement… juste de l’efficacité individuelle en plus de l’organisation générale. Mais il n’y a pas que la circulation qui donne cette impression, absolument partout, une multitude de petites gens « régulent » et préviennent les problèmes bien mieux que les caméras de flicage. À Pétersbourg, par exemple, on se gare énormément en épi (les rues sont toujours très larges), comme notre minibus est un peu long j’avais peur qu’il n’empiète trop sur la rue alors je l’avais garé davantage incliné… le « surveillant » d’un hôtel s’est levé et m’a expliqué que je devais me garer bien parallèle aux autres voitures. En somme, j’ai retrouvé l’atmosphère de simplicité des années 60 et 70… cette époque bénie, encore vierge de tout ce fatras de règles, de normes, de directives qui nous pourrissent la vie. C’est en quittant la Russie pour entrer en Estonie que j’ai brutalement pris conscience de cette simplicité… et il y a 12 ans seulement que l’Estonie a rejoint Bruxelles.
La Russie est en train de trouver son propre chemin, dans le plein respect de son identité et de sa grandeur.

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