Bivouaquer par grand froid

bouton scoutPar Lama. Le coin des scouts -> Bivouac

Voilà ! Ton bivouac est monté, but de foot ou cerf-volant. Arrive l’heure du coucher. C’est un instant déterminant puisque qu’il conditionne toute la nuit. Si on ne prend pas certaines précautions par temps froid on est sûr de se réveiller quelques heures plus tard transi et  grelottant. Se rendormir deviendra alors très difficile.

La chaleur interne…

On se couche le soir avec un capital de calories qu’il faut conserver car c’est une matière très précieuse pour un week-end d’hiver. Le corps possède sa propre source de chaleur mais elle est limitée : ce sont les nouilles et la soupe qui brûlent doucement dans ton corps, d’une combustion sans flamme qui maintient le corps à la température de 37°C

… Qui s’échappe

Nous ressentons le froid lorsque la chaleur s’échappe trop vite de notre corps. Les lois de la thermique nous enseignent simplement de s’isoler pour réduire ces déperditions. Le meilleur isolant est le vide. Manque de chance il n’y en a pas au bivouac. Après le vide, presque aussi efficace : l’air… l’air immobile. Ce n’est pas la laine qui est chaude mais l’air emprisonné dans la laine qui assure l’isolation thermique. En utilisant ce principe d’une très grande simplicité, nous devons trouver les moyens de conserver la chaleur de notre corps lorsque nous dormons dans le froid.

Se changer entièrement

Première chose, on change tous les habits qui ont été au contact de la peau durant la journée. Il ne faut garder aucun sous-vêtement. La raison principale est qu’on a sué, que ça sent un peu le fauve. Mais il y a plus important, ces habits de la journée sont un peu humides ; l’eau est un bon conducteur de la chaleur et que se débarrasser de l’humidité consomme beaucoup de chaleur. Cette règle d’hygiène et de physique devrait être naturellement appliquée mais l’expérience a montré que bon nombre de scouts ne se changent pas avant de dormir ; depuis le novice qui ne connaît pas ces règles jusqu’au CP qui est un flemmard. Il faut impérativement emporter des vêtements de peau réservés exclusivement pour la nuit.

Plusieurs couches sèches

Une fois en pyjama, on peut toutefois réenfiler son pull d’uniforme. Plusieurs petites épaisseurs tiennent plus chaud qu’un gros pull car de l’air isolant se retrouve emprisonné entre les différentes couches de vêtements. Il faut simplement que l’ensemble reste ample et surtout pas serré. Pour les pieds, prévoir une paire de grosses chaussettes de nuit. En général des pieds enfilés froids dans le duvet restent froids, il faut donc se coucher avec les pieds déjà chauds. On se les rôtira à la chaleur du feu pour ne pas avoir à se les réchauffer de l’intérieur en utilisant les calories fournies par le repas.

Un bonnet pour réchauffer ses pieds

Le bonnet de nuit n’est pas réservé aux frileux ou à ceux qui sont atteints de calvitie. L’organe prioritaire est le cerveau. Coûte que coûte, il sera maintenu à 37°C par l’organisme au détriment de toutes les autres parties du corps. De plus, l’isolation du cerveau n’est pas fameuse, la peau est fine, l’os du crâne peu isolant, reste la tignasse mais souvent les scouts portent les cheveux courts (les guides ont un  avantage) C’est ainsi qu’en portant un bonnet sur la tête on se réchauffe les pieds bien plus facilement.

Il ne faut pas s’enfermer la tête sous le duvet. Au minimum il faut garder le nez au dehors. Si tu t’enfermes complétement sous le duvet tu vas respirer ton propre CO2 et tu te réveilleras avec mal au crâne et un besoin incoercible d’air frais.

Rappelons ici le raccourci de BP pour expliquer comment bien dormir :
« Le nez au frais et les pieds au chaud »

Un bon duvet

Maintenant étudions le duvet. D’abord prendre un bon duvet. Performance thermique = -5°C au minimum (c’est forcément indiqué sur le duvet). La fermeture éclair est toujours le point faible de l’isolation d’un duvet. Veiller qu’elle soit recouverte par une langue de ouate. Ensuite il faut bien comprendre la chose suivante : le duvet est une laine synthétique qui retient de l’air immobile prisonnier. C’est donc un excellent isolant. Mais voilà, le dormeur ne flotte pas dans l’air, il doit reposer sur le sol. Son propre poids va donc écraser ce matelas d’air et réduire considérablement son épaisseur. L’isolation va donc s’en trouver très sensiblement réduite. Il est donc hors de question se s’allonger directement sur le sol. Il va falloir s’assurer d’une isolation supplémentaire contre le sol.

Le sol = le froid

C’est par le sol que le dormeur se refroidit, c’est dans la terre que se sauvent les précieuses calories produites par la combustion des spaghettis. L’écrasement de l’isolation de ton duvet facilite cette fuite.

chaleur sol

Lorsque l’on monte le bivouac on peut mettre des feuilles mortes bien sèches ou des fougères à l’endroit de la couche. Attention le mouillé refroidit (voir explication en fin d’article). Si on possède une couverture assez grande on peut en mettre un peu en dessous et rabattre le reste par-dessus. Pour ma part je me sers du chèche ou d’une petite couverture comme d’un tapis de sol sous le corps. En effet un chèche n’est pas très encombrant. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer l’isolation. Les habits de la journée seront pliés et étalés en guise de matelas. La veste de treillis (ou le manteau) est refermée et sert de house pour que les habits ne soient pas éparpillés à l’occasion des mouvements du dormeur. En outre, aucun problème pour les retrouver le lendemain matin et…. tièdes s’il vous plait!

Si la patrouille utilise son tapis de sol, attention. La matière du tapis de sol, comme son épaisseur ne procurent aucune isolation. Au mieux on est à l’abri de l’humidité. Ce tapis de sol peut servir à bien contenir un matelas de feuilles ou de fougères sèches, voire des branches de bruyère ou de genêt.

Tout utiliser

Mais si l’on jette un coup d’œil autour de soi avant de se coucher on découvre que le sac à dos est quasiment vide. Et en effet il est presque vide, la montre est accrochée aux perches, le couteau aussi, les gamelles qui ne craignent pas la pluie peuvent rester dehors, la couverture et les habits servent de matelas, les chaussures servent d’oreiller, la nourriture est avalée. Alors que fait-on ? Eh  bien ! On enfile le bout du duvet avec ses pieds dans le sac à dos. Je ne veux faire ici aucune publicité mais pour cette application on ne trouve pas mieux que le sac F1 avec sa grande cheminée. Le sac n’apporte pas de renfort d’isolation par lui-même mais il épaissit le duvet et renforce donc l’isolation.

air immobile

A la place d’enfiler ses pieds dans le sac on peut procéder autrement lorsque le froid se fait mordant. Le scout se recroqueville naturellement en chien de fusil et le bout du duvet se trouve libre. On attrape le bout des plumes et on le retourne à l’intérieur. Ainsi on obtient plus d’air immobile autour des pieds.

Autre ennemi = Les crampes

Dernière chose à savoir. On arrive assez bien à dormir même si on a froid, souvent ce sont les crampes qui réveillent et après impossible de se rendormir. Pour se protéger au mieux du froid, on se place instinctivement dans une position favorable. Il faut que cette position reste confortable et ne provoque pas de crampes. Donc, avant de se coucher, il faut veiller à supprimer les petites souches, les creux, les bosses à l’endroit de la couche. On profitera du matelas isolant fait de fougères et de feuilles mortes  pour favoriser également le moelleux.

J’ai découvert une astuce très confortable : il faut veiller à ce que la toile intérieure du duvet et le vêtement du dormeur ne s’accrochent pas ensemble. L’idéal est que ça glisse bien lorsqu’on se repositionne ou qu’on se retourne. Il faut donc veiller à opposer un revêtement intérieur duvet accrocheur (coton par exemple) à un vêtement glissant (pyjama nylon par exemple). Ou alors l’inverse, revêtement intérieur sac de couchage glissant et vêtement accrochant (pull d’uniforme par exemple).

Ouais ! C’est bien beau ça mais comment changer l’intérieur du sac de couchage s’il est en coton accrocheur ? Très simple, souvent les duvets ont un extérieur et un intérieur en matière différentes. Traditionnellement l’intérieur est majoritairement en coton (plus hygiénique) et l’extérieur est en synthétique pour mieux résister aux agressions du sol. Il suffit de retourner son duvet et de coucher dans la partie synthétique glissante.

Malheureusement cette astuce ne convient pas à tout le monde car certain ne peuvent pas supporter le synthétique sur leur visage.

Dernier remède

Si malgré tout cela tu as encore froid tu peux te dire qu’il ne fait vraiment pas chaud dehors et que la prochaine fois tu prendras une couverture supplémentaire. Et en tout dernier recours, suivant la chanson célèbre, il reste la solution de chanter :

Tout au bord de la rivière
Laissez-moi vous dire qu’il faisait gla-gla…
… Vaut bien mieux passer la nuit
à se fendre la pomme.

La physique :

Pourquoi le mouillé refroidit-il ? Simple : à cause de la chaleur latente de vaporisation. Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il dit ? Bon, faisons ça plus simple : le séchage demande beaucoup d’énergie. Transformer de l’eau liquide en eau vapeur demande énormément d’énergie. Il faut 100 calories pour passer de l’eau de 0°C à 100°C et il faut 536 calories pour passer de 100°C eau à 100°C vapeur. Il vaut donc mieux utiliser cette énergie pour conserver une douce température dans le duvet que de l’utiliser à essayer de sécher des trucs mouillés. Moralité : ne rien garder de mouillé ou simplement humide pour dormir. A la rigueur tu peux mettre tes affaires vaguement humides sous ta couche en guise de matelas et d’isolation pour mieux t’isoler du sol mais le véritable scout les fait d’abord sécher au près du feu (sans les faire cramer).

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6 réflexions sur « Bivouaquer par grand froid »

  1. Salut! quand j’étais plus jeune (genre à 25 ans), j’ai dormi dans le Lubéron en Février, le mercure est tombé à -15°C la première nuit et -20 la seconde (quand on n’aime, on ne compte pas!). Mon défi était de construire un abri décrit par le Dr JL Etienne dans son Guide de Survie pour l’Armée Américaine. pouvoir rayonnant du feu et parefeu en bois, orienté vers l’abri, lui-même placé dans une légére excavation creusée dans l’après-midi et remplie immédiatement de feuilles mortes qui avaient eu le temps de sécher. Structure extérieure de l’abri en branchages, recouvert d’une épaisse couche de feuilles (15cm). J’avais eu un peu peur de la pluie quand même et j’avais fixé une épaisse bâche plastique à l’intérieur de mon abri (à peine assez grand pour moi, en position allongée, soit 2m de long sur 1m de large à la tête, 30 cm aux pieds). Le soir venu, j’ai posé une couverture épaisse en laine sur la couche de feuilles mortes et je me suis recouvert avec des peaux de chévres, poils vers moi. Pour la tête, j’ai emballé mes affaires persos dans une peau de chévre dont je me suis servi d’oreiller et sur ma tête, j’ai posé une autre peau de chévre, j’ai respiré par les interstices entre les deux. Ces deux nuits forment ma meilleure expérience de bivouac.

  2. Bonjour,

    En prévision d’une nécessité de bivouaquer par grand froid (exemple : si on est pris en automne entre deux cols par une tempête de neige) , il existe un moyen de se préparer un abri portatif de sécurité qui ne pèse rien. On le fabrique une fois pour toute sa vie de randonneur, il est d’un emploi rustique, immédiat et se prête à tous les terrains. En outre, il est très peu coûteux, les explications sont ici :

    http://forum.laboussole.org/viewtopic.php?t=3880

    Son avantage est de ne pas avoir à creuser d’abri dans la neige car ces abris posent toujours un pb : ils sont plus bas que la couche d’air « errant » sur la neige, et fonctionnent ainsi comme des fosses à froid où on se gèle. Hors le cas où l’on se trouve sur un sommet (car alors la tranchée à neige est non seulement intéressante mais absolument indispensable, en ayant soin d’ailleurs de bien tasser la neige après creusement pour éviter de la reprendre en poudreuse sur la tête pendant la nuit), il est préférable, soit de construire un véritable igloo alpin (technique des troupes alpines, auxquelles j’ai appartenu) mais qui nécessite beaucoup de neige profonde, soit de s’installer avec l’abri portatif dont je parle sous un sapin. Hors le cas de sommet, les « tombes », ou « tranchées à neige » sont – en zone « plate » – à réserver aux secteurs dépourvues de forêt, donc en dernier recours car le froid y descend et vient vous y glacer.

    S’agissant du petit abri portatif que je décris, dans le principe je conseille de faire un 4m x 4m afin de pouvoir si besoin partager cet abri avec quelqu’un qui n’en aurait pas : un 4 m x 4 m peut accueillir sans pb 3 personnes, mais pour 1 ou 2 un 3 m x 3 m peut à la limite convenir. Cet abri est basé sur le pouvoir isolant de l’aluminium et des couches d’air successives dont vous parlez tout à fait justement (il comprend 4 couches d’air isolantes + 3 couches d’aluminium fin + 2 couches de plastique). Son efficacité thermique et son imperméabilité sont absolument remarquables, il peut sauver la vie d’un randonneur alpin pris par le mauvais temps, et ceci quel que soit ce mauvais temps (neige, pluie, etc) jusqu’à des altitudes relativement élevées (3000 m). Tout randonneur alpin pratiquant le raid devrait en avoir un par sécurité au fond de son sac, l’encombrement est négligeable ainsi que le poids.

    Je suis également un chaud partisan du F1, qui est un des meilleurs sacs polyvalents de montagne et permet effectivement d’avoir bien chaud aux pied et jambes : je double le mien avec une couverture de survie spécialement préparée à sa forme exacte, en forme de sac donc, « modelée » avec du ruban adhésif. Il faut faire une sorte de « patron » comme en couture pour qu’elle ait la forme exacte du sac. La condensation résiduelle est négligeable car les jambes dégagent peu de chaleur. Une autre astuce pour le bonnet dont vous parlez, et qui est effectivement indispensable : se procurer un vieux bonnet supplémentaire et le coudre sur le premier, en plaçant entre les deux un morceau de couverture de survie en alu fin : effet supplémentaire de chaleur garanti !

    1. Mais quand vous dépliez votre abri et y dormir dedans, vous en placez une partie au sol et repliez le reste au-dessus de vous? ou vous fixez les 4 coins au sol et mettez votre sac au milieu comme l’axe central d’une raïmah? à moins que vous ne le placiez à califourchon sur une corde tendue entre deux arbres?

      Parce que je vois mal comment un abri de 4m sur 4, avec le toit et les parois peut abriter 2 voire 3 personnes. A moins qu’il y est un truc qui me soit rester hermétique.

      J’attends vos précisions pour monter mon abri et le tester.

  3. Connaissez-Vous la technique du galet à chaussettes ? Le principe est très simple : le soir vous laissez réchauffer des galets près du feu puis vous le mettez dans une chaussette (assez épaisse) au fond de votre duvet : un galet reste chaud très longtemps (permet de s’endormir plus facilement) et si tel est le cas, il peut même permettre de sécher vos chaussettes humides…
    Autre chose, à priori il est plus utile de dormir en tee-shirt sur ses vêtements (dans le sac de couchage) que de dormir trop couvert sur du dur.
    Je me suis permis de faire un lien de votre article sur notre site https://scoutrembarre.olympe.in/

    FSS

  4. Je ne suis pas d’accord avec l’assertion ci-dessus :
    « …tu vas respirer ton propre CO² et tu te réveilleras avec mal au crâne et un besoin incoercible d’air frais. »

    J’ai toujours très bien dormi par temps froid avec une couverture supplémentaire sur la tête. Je suppose qu’ instinctivement, même endormi, on trouve le moyen de se débrouiller pour laisser le passage d’air minimum pour ne pas étouffer.

    Air sans doute enrichi en CO², mais ce qui ne m’a jamais donné mal à la tête.

    Pour les duvets dans le froid, la forme sarcophage et plus efficace que la forme sac.

    1. Apparemment je n’ai pas l’instinct de trouver de l’air frais pour ne pas étouffer.
      A chaque fois que j’ai fermé complètement mon sac de couchage, le mal de tête me réveillait. J’évite ainsi l’étouffement mais ce n’est quand même pas agréable de se réveiller en pleine nuit avec un gros mal de crâne.
      Peut-être que certaines personnes ont un instinct plus développé que moi.
      Ou alors la couverture que tu rajoute sur ta tête était suffisamment filtrante pour laisser passer de l’air frais.

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