L’aumônier au camp

baden_powell_portrait - Copie Par Gerfaut.

Un manuel de scoutisme des années 30 définissait ainsi le rôle de l’aumônier à la troupe : « l’aumônier et le chef de troupe, deux têtes sous un même chapeau (scout) ». Cela indiquait clairement la parfaite harmonie qui doit exister au niveau de la direction de la troupe : l’harmonie entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Cela manquait terriblement de précision parce que c’était (et c’est) un sujet brûlant, et un sujet qui ne concerne pas seulement le scoutisme mais l’Eglise en général.

Pour faire court et simple : le curé qui, pour la gloire de Dieu, prétend diriger le monde sur la terre, est le meilleur auxiliaire du démon, et plus il semble avoir d’influence sur le temporel, plus il devient aveugle sur les besoins des âmes.

Avant même de vouloir bien faire, l’aumônier doit absolument éviter les écueils suivants :

  • Poison mondain : casser l’aventure en vivant trop confortablement.
  • Poison clérical : passionné de scoutisme, il veut tout diriger.
  • Poison surnaturaliste : les activités religieuses passent avant le grand jeu.

La malfaisance d’un mauvais aumônier est d’autant plus grande, qu’il est un homme mûr ayant bien plus d’expérience que le chef de troupe lui-même. Par ailleurs, sa position de représentants de Dieu rend d’autant plus difficile la résistance des chefs à ses erreurs ou à ses abus de pouvoir. Il se passe alors que la maîtrise se sente contrainte de le laisser agir et cet aumônier casse le camp par esprit mondain, esprit clérical ou esprit surnaturaliste. Il arrive parfois que le chef de troupe (ou de compagnie) le remette à sa place avec le manque de finesse et de nuance dont sont coutumiers les jeunes gens énergiques et se développe alors le risque réel de laïcisme dans la micro société scoute.

L’aumônier mondain

Il ne connaît pas le scoutisme et ne l’a pas vécu. Il vient honnêtement dire la messe et fait du tourisme à l’occasion du camp. Il loge confortablement dans un prieuré voisin ou sous sa tente Trigano, il propose des « apéros », de la technologie pour les images, le son ou encore d’autres trucs qui n’ont pas lieu d’être au camp et enfin sa bagnole, dont il est assez fier, encombre et dénature le camp.

Il est perçu dans le camp comme un corps étranger. Il ne communique pas l’esprit chrétien. S’il essaie de faire une petite causerie le soir à la veillée, elle restera abstraite, déconnecté de la vie quotidienne de cette petite civilisation qu’il ne comprend pas. Le mot du père pour la promesse sera dissonant parce qu’il ne ressent pas la solennité de ce moment où le garçon de 11-12 ans s’engage consciemment pour la vie.

S’il essaie de se faire accepter, il installera inévitablement l’esprit mondain dans la troupe : il offre le repas au restaurant à la maîtrise pendant l’explo, offre des petits gâteaux et des bonbons quand il passe dans les patrouilles, prête des bandes dessinées, va se servir à l’intendance entre les repas, il vit sous une tente Trigano, avec des chaises et une table pliante, son ordinateur, Internet, et la radio le matin.

S’il est généreux et plein de bons sentiments, il payera la visite du zoo voisin, offrira aux chefs les activités « aventures industrielle SGDG » (Breveté Sous Garantie Du Gouvernement), rapportera du soda quand il fait ses courses. Il pourrit l’atmosphère du camp en réintroduisant le monde, que les scouts avaient quitté en s’installant dans la jungle.

 L’aumônier, passionné de scoutisme

Il prend la direction des opérations s’appuyant sur une expérience et des connaissances réelles. Les chefs, s’ils sont bons chrétiens, n’osent pas vraiment le remettre à sa place. Il multiplie les initiatives qui bouleversent le planning du camp, il remet en cause certains aspects de l’aventure, il impose son style… Les effets sont catastrophiques :

  • Il se rend odieux aux chefs et même aux scouts.
  • par son comportement despotique (baroudeurs rugueux au caractère difficile), il perd le respect religieux qu’on lui doit
  • Il perd rapidement l’esprit religieux, les âmes n’ont plus la priorité, il ne prend pas le temps de sonder la température spirituelle de chaque garçon, il donne des conseils de techniques, pas des conseils de sanctification. Et s’il en donne, tout de même, ils ne pénètrent pas car les âmes se ferment face à l’autoritarisme spirituel.

Sa présence envahissante lui donne l’impression d’efficacité mais en réaliste il n’a guère d’influence CAR ON NE LE SUPPORTE PLUS et il ne s’en rend pas compte… comme il ne se rend pas compte des véritables besoins des âmes des enfants qui ne savent bien sûr pas exprimer ce qu’elles attendent.

Ce danger de l’aumônier hyperactif devient très réel s’il possède le BAFA ou le BAFD qui permet à la maîtrise d’être en règle avec l’administration. Du fait de sa co-responsabilité sur le gouvernement matériel de l’unité la tentation est grande pour lui de rendre effective sur le terrain cette responsabilité.

L’aumônier surnaturaliste

Il considère que « la maxime de Sainte Jeanne d’Arc « Messire Dieu premier servi » donne la primauté et la priorité aux activités religieuses. Comme il dirige les activités religieuses, il perturbe sans cesse l’organisation matérielle du camp. Il fait le bras de fer pour faire passer le chemin de croix avant les installations ou le grand jeu, multiplie les activités religieuses, la messe chantée, une petite retraite au cours du camp et longue prière le soir, un pèlerinage ici ou là, la messe tous les jours quelles que soient les activités (grand jeu, explo… si, si ça existe). Parfois il fera pire, en réunissant les grands pour des conférences spirituelles et les petits pour du catéchisme élémentaire, il brisera l’unité des patrouilles. Si par malheur l’aumônier surnaturaliste est carrément antilibéral, il n’acceptera le scoutisme fondé par le « franc-maçon » Baden-Powell que comme un vivier qui lui permet d’avoir les enfants captifs sous la main.

Avec le même efficacité que l’aumônier mondain, cet aumônier surnaturaliste détruit inexorablement l’atmosphère du « jeu de la civilisation ». Sans ce climat naturel de bienveillance et de bonheur simple qui permet facilement d’aimer Notre Seigneur Jésus-Christ, cet aumônier surnaturaliste ne fera absolument aucun bien aux garçons bien disposés et, irrémédiablement, fera du mal aux tièdes.

 Mais alors… le bon aumônier ?

Un bon aumônier c’est la présence discrète de Notre Seigneur Jésus-Christ parmi les garçons.

L’aumônier doit avoir réellement compris et intériorisé la loi de l’Évangile : il est le représentant et l’ambassadeur de Notre Seigneur Jésus-Christ « Vous serez mes témoins… Que votre lumière brille devant les hommes afin qu’ils glorifient votre Père du ciel ». Il n’est pas l’autorité spirituelle, il est le canal de l’autorité spirituelle (Mt. 20, 27). Il n’est pas le maître, il est le serviteur chargé de distribuer les richesses du maître (Mt 24, 51). Et les richesses du maître n’entrent que dans des cœurs qui s’ouvrent. Ils doivent les désirer au moins un petit peu. C’est la raison pour laquelle celui qui a le pouvoir sur la police ne doit pas avoir le pouvoir sur les consciences, et celui qui a le pouvoir sur les consciences ne doit pas avoir le pouvoir sur la police.

  • S’il est vrai que la grâce sauve la nature et que la nature ne peut se rendre meilleure après la chute par ses propres forces, la grâce la sauve non pas en la détruisant mais en la libérant du mal.
  • Le prêtre doit dont se souvenir qu’il est le sel de la terre et qui ne doit pas s’affadir en s’investissant dans les affaires du monde, même bonnes.
  • Il doit se souvenir qu’il est la lumière du monde, et non l’organisateur du monde.
  • Sous peine de stérilité, il ne lui est pas permis de vouloir régenter le monde pour le bien. Il bénit le soldat qui meurt pour la patrie, mais il n’a pas de fusil pour tuer l’ennemi.
  • Il rappellera au roi qu’il doit punir les méchants les récompenser les bons, mais il ne lui est pas permis d’être le bourreau qui exécute la sentence juste mais bien au contraire, il aime le bandit que l’on condamne à mort comme son enfant à qui il voudrait épargner l’enfer.

Les bonnes pratiques de l’aumônier

C’est en restant à sa place qu’il pourra dire librement au chef de troupe ce qui déplaît à Dieu dans sa manière de commander, s’il y a lieu. En particulier si l’organisation ne laisse pas suffisamment de place à la piété des scouts. Mais il ne lui dira pas ce qu’il faut commander.

C’est en restant disponible mais toujours un peu en retrait qu’il attirera les âmes des enfants. L’aumônier n’est pas un copain, c’est l’homme de Dieu. L’ami de Dieu doit rester disponible comme Dieu qui est partout à tout instant mais toujours un peu intimidant parce qu’il a un pied dans le ciel.

Il doit s’efforcer de connaître réellement chaque scout pour ne pas se tromper dans ses conseils mais savoir également attendre l’occasion ou la demande favorable pour donner le conseil. Qu’il se souvienne de la parabole de la paille de la poutre. Son œil, on ne le laisse toucher qu’à celui en qui on a toute confiance. On ne confie son œil qu’à un chirurgien, pas à un charcutier qui est rendu presque aveugle par la poutre qu’il a dans l’œil. On ne peut forcer la porte des âmes mais lorsqu’elles s’ouvrent, il ne faut pas rester dans le flou et les généralités il faut donner des conseils précis, être exigeant, forcer un peu la bonne volonté, et cependant ne jamais demander au-delà d’un « assez facile ». et le « assez facile » est différent pour chaque scout… il faut donc bien les connaître… un à un et en profondeur.

L’aumônier doit vivre comme la tribu, Comme notre seigneur Jésus-Christ était juif parmi les juifs. Il est bon qu’il porte le foulard, il est bon que les scouts s’aperçoivent qu’il a du savoir-faire, qu’il est capable de s’installer et de vivre comme eux, de monter son poncho en cerf-volant pour passer la nuit et de fournir le café chaud dans la gamelle le matin de la promesse près de la petite chapelle, parce qu’il s’est levé à 5:30. L’aumônier peut quelquefois manquer sa méditation quotidienne, il ne doit jamais manquer d’esprit de sacrifice. L’aumônier doit être présent au Kraal avec la maîtrise, mais pas de manière gluante. Il n’est pas là pour prendre ses aises mais pour rendre service. Si parfois il accepte des égards c’est uniquement par rapport à sa fonction et pour le respect visible qu’exige la stabilité de la société du camp.

Dégorger le laïcisme. Comme tous les autres Français, L’aumônier, a baigné dans l’atmosphère empoisonnée du laïcisme qui règne dans notre pays. Il doit avant tout dégorger son laïcisme pour ne pas empoisonner l’atmosphère de cette petite société toute neuve : parler avec aisance du bon Dieu en toute circonstance sans donner dans la mélasse pieuse. Les scouts ont besoin qu’on leur fasse sentir qu’ils sont grands maintenant. Leur prêcher clair, net et viril (et pas de saintes mièvrerie à l’eau de rose). Et si on leur parle de morale, il faut mettre les pieds dans le plat. Ils aiment les drames et les histoires vraies où le sang a coulé généreusement (l’histoire chrétienne en regorge). Il ne faut pas craindre de les traumatiser, les adolescents aiment qu’on leur dise que la vie est dure, surtout si cela ne les menace pas immédiatement. Plus c’est dramatique, plus ils prennent au sérieux parce qu’ils sentent que ce ne sont pas de ces demi-mensonges vertueux pour enfants.

L’Étranger dans la patrouille

c’était le titre d’un roman scout des années 50 : Un scout inconnu se faisait accepter dans la patrouille, et tout en restant discret comme un hôte parfaitement à sa place, dans des circonstances de plus en plus critiques, il les tirait toujours d’affaire. Enfin, il finit par sauver la brebis galeuse qui mettait le mauvais esprit dans la patrouille et que celle-ci tentait d’éjecter. La brebis galeuse était un fils de divorcés devenu méchant pour n’avoir jamais reçu d’amour et qui pourtant s’accrochait aux scouts presque désespérément. À la fin, l’étranger s’en va comme il était venu, mais la patrouille n’est plus la même.

C’est ainsi que devrait agir le « bon aumônier ». Cette façon d’agir c’est « Être Jésus-Christ dans la troupe». Mais comme bien souvent l’aumônier en est bien loin, il sera un pénitent sincère pour que Notre Seigneur Jésus-Christ lui pardonne sa médiocrité et l’aide à devenir un ambassadeur acceptable.

Retour en haut
page précédente :
page suivante :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *