Forestage et scoutisme

baden_powell_portrait - CopiePar Lama.

Le forestage et le scoutisme sont faits l’un pour l’autre et nous ne savons dire aujourd’hui lequel procède de l’autre car de nos jours il n’y a guère que le scoutisme qui utilise ces techniques dans un réel but utilitaire. Peut-être trouve-t-on encore quelques groupes à vocation folklorique qui font revivre ces techniques du passé mais l’objectif est bien différent de celui des scouts. Si les scouts utilisent ces techniques ce n’est pas par souci de faire revivre le passé mais par besoin bien réel de vie.

Une source d’inspiration

Reportons-nous dans les premières années du XXème siècle alors que le scoutisme naissait tout juste. Sa première source d’inspiration, le scoutisme l’a trouvée dans le style militaire. Baden Powel était un militaire et cela a marqué profondément son intuition du scoutisme. Beaucoup de bonnes choses ont ainsi été exportées vers le scoutisme. Nous devons par exemple au modèle militaire l’organisation en patrouille, le chef de patrouille et son second, une bonne partie de l’uniforme, la cérémonie des couleurs, les rassemblements. Il est d’autres choses que le scoutisme a immédiatement empruntées aux militaires, c’est leur expérience des camps, des bivouacs, des marches ; bien sûr le matériel a suivi.

militaire

À cette époque le campisme n’existait pas et pour mettre en œuvre le scoutisme il fallait bien s’appuyer sur de l’existant ; les militaires ont été longtemps les seuls campeurs organisés et leur matériel, bien qu’imparfaitement adapté au scoutisme, a cependant été rapidement adopté par les scouts.

Les scouts développent leur propre style

scout au camp

Utiliser le style et le matériel militaire n’implique pas du tout de poursuivre les mêmes buts que l’armée. C’est pourquoi dans sa façon de camper, entre autres, le scoutisme a rapidement développé son propre style en accord avec ses propres principes et sa propre pédagogie. Le scoutisme s’est donc rapidement mis à l’écoute et à l’école de la nature qui est devenue une de ses principales sources d’inspiration. On peut dire que le scoutisme, bien avant toutes les modes actuelles du retour vers la nature, avait compris l’importance de cette composante dans le développement des enfants.

Chrétien, Baden Powel avait naturellement doté son mouvement de la dimension religieuse. Le scoutisme actuel est un savant mélange d’un style d’inspiration militaire associé à la joie de vivre dans la nature sous le regard et la protection de Dieu. Le forestage est l’un des aspects de la vie dans la nature et son interaction avec les autres composantes du scoutisme est constante. L’esprit du forestage va bien sûr tendre à développer les qualités d’adresse et de débrouillardise du scout. À l’aide de quelques outils, il sait tirer parti de tout. Il imite en cela le bûcheron qui sait utiliser au mieux les essences dont il dispose. Les écorces, les branchages, les bois noueux, les taillis, tout lui sert pour s’installer confortablement au fond de la forêt. Un bon moral qui se maintient est nécessairement soutenu par de bonnes conditions de vie.

Le scout est maître de soi, il sourit et chante dans les difficultés.

Le septième article de la loi scoute est bien plus facile à vivre lorsque l’on est bien au sec, que l’on dort bien, que la cuisine est bonne, que la vaisselle à l’eau chaude n’est plus une corvée, bref lorsqu’on est bien installé. La bonne humeur à un camp est un bien précieux qui peut se mériter grâce à un bon esprit forestage.

Se révéler dans l’action

L’âge adolescent, plus que tout autre âge, est très sensible aux beaux discours et se donne facilement pour modèles ceux qui paraissent. Nous avons tous besoin d’apprendre et de réapprendre que la valeur d’un homme se mesure à l’aune de ce qu’il réalise réellement et non pas de ce qu’il dit, ce qu’il pense, ce qu’il souhaite ou de l’impression qu’il donne, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Ce que beaucoup appellent la sagesse ou la sûreté de jugement ne procède pas d’une faculté ou d’un don spécial, cela consiste simplement à ne pas se laisser abuser par des paroles et des apparences.

Pour que nos enfants soient prêts à se lancer dans la vie sans tuteur il faut qu’ils aient été préparés. Quelle autre activité dans le scoutisme pourrait permettre de mieux exercer ton discernement que le forestage ? Au camp, les beaux parleurs et les poseurs ne font pas longtemps illusion : l’ordinateur, le media connecté ou le beau scooter payé par papa ne sont plus d’aucun recours. Le temps investi en rallies et autres soirées, parfaites écoles du paraître, ne rapporte strictement rien. Les belles fringues, juste dans le bon ton de la mode, payées bien cher, sont remplacées par l’uniforme de camp.

Ce qui va différencier les garçons désormais ce sont leurs actes et surtout ce qu’ils vont savoir réaliser. Là, des garçons qui auraient pu paraître plus ternes se révèlent soudain pour ce qu’ils sont réellement : patients, tenaces, réfléchis, ingénieux, artistes. Les matériaux naturels rétifs, les outils, la sueur, la fatigue, les ampoules, la pluie ou la chaleur auront tôt fait de dissoudre le vernis brillant des adolescents qui font semblant et vont rapidement mettre à nu leur vraie nature. Faire du vent et briller est assez facile pour ceux qui présentent les bonnes dispositions mais réaliser aux yeux de tous quelque chose de réel qui peut être évalué, éprouvé, mesuré, ne sera donné qu’à ceux qui, avec une certaine humilité, auront appris patiemment, persévéré malgré les échecs et qui auront maîtrisé une technique ou un art par des actes constants de volonté.

Les talents de chacun magnifiés par l’esprit d’équipe

Certains exploits ne reposent que sur la confiance que l’on accorde à leurs auteurs, en forestage il n’est pas possible de tricher et nul ne peut se vanter indûment : la table est bien proportionnée, elle est bien finie, elle est solide et elle a été réalisée en quatre heures, de plus les outils sont rangés et le coin de patrouille a été nettoyé de ses copeaux. Voilà des éléments concrets qui permettent de porter un jugement de valeur. Le forestage en patrouille, pendant la période d’installation, est un acte collectif et non pas la somme d’actes individuels, la réussite finale est bien la réussite de la patrouille tout entière et c’est bien ceci que jugent les chefs quand ils décernent le prix pour les installations. Le forestage permet donc d’évaluer les garçons individuellement d’après ce qu’ils réalisent mais il permet également d’évaluer chaque patrouille d’après ce qu’elle a réussi collectivement.

On a souvent tendance à séparer esprit scout et technique : « Oui… cette patrouille possède une bonne technique mais elle a un mauvais esprit scout ». C’est une grosse erreur, cela ne signifie pas grand-chose et c’est toujours injuste. Si une patrouille réussit ses installations ou toute autre performance liée au forestage ou à une autre technique, ce n’est sûrement pas dû au hasard, le succès a nécessité de la préparation, de l’entraînement et de la persévérance en plus de l’envie de réaliser quelque chose ensemble. Même si dans cette patrouille il n’y a pas de rigolo ou de boute-en-train peut-on, rien que pour cela, dire qu’elle ne vit pas selon l’esprit scout ? Non, bien sûr ! C’est pour cela que seul le jugement aux actes est le seul vrai et le seul juste. Un garçon qui aime le forestage ou une patrouille qui réussit dans cette discipline est forcément sur le bon chemin de l’idéal scout, il n’y a pas d’autre explication.

Riche d’être et non d’avoir

Le scout se contente du minimum de matériel à l’aide duquel il s’adapte à son milieu. Son matériel, il le porte lui-même, que ce soit en camp ou en bivouac. Il ne doit pas accumuler, il sait qu’à l’image de son passage dans la forêt, dans la nature, sa vie n’est qu’un passage sur cette terre. Sa véritable richesse réside dans la connaissance intime de la nature qu’il sait comprendre, utiliser et aimer. À travers elle, il doit chercher à reconnaître la trace de Dieu dans la création. Pour progresser dans cette voie, le scout a besoin à la fois d’une vie d’aventure et de mouvement et d’une vie retirée à l’abri du monde ; la forêt lui procure l’une et l’autre. Sous le couvert puissant des futaies ou coulé dans les taillis touffus, le scout établit son camp ou son bivouac avec une âme de nomade et tout ce qu’il construit pour son confort, son camouflage ou sa protection, il ne l’emportera pas mais au contraire il en fera disparaître toute trace.

À l’école de la nature

L’esprit du scoutisme n’est que la transposition pour les jeunes et à notre époque de l’esprit de l’Évangile. Le forestage soutient parfaitement cet esprit s’il est correctement appliqué. L’utilisation de bois bruts permet de rester au contact de la nature, de la connaître pour mieux l’apprivoiser et de sans cesse s’émerveiller de sa perfection et de sa diversité. Cela suppose également humilité et esprit de pauvreté. Le travail sur place de ces bois bruts prolonge ces orientations. On s’en remet à la Providence et on exploitera uniquement ce que l’on trouvera sur place. Aucune idée d’accumulation ou de calcul ne doit surcharger le scout. Comme les disciples que Jésus envoyait sans besace ni provisions, que les scouts partent avec le minimum.

Garder l’esprit nomade

La construction du camp n’est pas faite pour durer et souvent cette notion a du mal à passer. D’abord, il faut reconnaître que malgré notre technique, aussi bonne soit-elle, les moyens que nous mettons en œuvre sont dérisoires, ensuite sachons reconnaître que les constructions que nous pouvons réaliser ont une utilisation qui nous est tout à fait personnelle et n’intéresse personne d’autre que nous même. Ceci étant établi le parallèle avec notre vie spirituelle scoute est plus aisé. Nos œuvres, nos prières, nos actions de grâce ne sont pas faites pour durer, il faut les renouveler en permanence parce qu’elles sont dérisoires et qu’elles nous sont personnelles. Jamais nous ne pourrons dire que le but est atteint, que nous sommes arrivés.

« Comme les tentes légères qu’on roule pour partir, garde nos âmes passagères, toujours prêtes à mourir ».

Ceci vaut pour toutes nos actions, ne considérons jamais avoir fait œuvre pour l’éternité, mais au contraire sachons combien tout ce que nous faisons est éphémère et sachons-en bien nous en persuader. Nous serons alors plus modestes dans nos objectifs, et nous choisirons des buts bien pragmatiques et mesurables qui correspondent à autant de marches d’un grand escalier : c’est la voie de la sainteté. Nous ne deviendrons pas saints grâce au forestage mais nous pouvons appliquer exactement la même démarche, des objectifs simples, concrets et pragmatiques, qui apportent dans l’immédiat un mieux mesurable. C’est en cela qu’on peut affirmer que le forestage est un moyen pédagogique essentiel de l’esprit scout.

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