Forestage et vie au camp

baden_powell_portrait - CopiePar Lama.

Les réalisations les plus modestes peuvent avoir une influence extrêmement bénéfique sur la vie au camp pour peu que l’on ait un peu d’astuce et d’imagination. Quelle patrouille ne serait pas capable de réaliser de simples bancs ! Un mi-bois d’environ un mètre de long dans lequel viennent se ficher quatre pieds correctement orientés et voilà le plus simple, le plus confortable, le plus mobile, le plus robuste, le plus léger et le plus joli des sièges. Avec seulement quatre de ces bancs (pour une patrouille de huit garçons) la vie au camp s’en trouve métamorphosée. C’est par cet exemple que tu vas comprendre l’apport véritable du forestage à la vie au camp et à la vie scoute.

Bien manger

Une patrouille a donc réalisé quatre bancs que nous supposerons respecter le minimum qu’on peut demander à des bancs, même réalisés par des scouts. Ces bancs entourent bien sûr la table du repas, c’est là leur destination première (nous verrons plus loin les avantages des bancs indépendants de la table). S’il est admis par les scouts que les repas doivent être pris assis autour d’une table, pourquoi ne l’admettraient-ils pas pour les petits déjeuners ? Bien souvent les petits déjeuners sont pris en troupe sur le lieu de veillée. Quoi de plus simple que d’apporter les bancs sur le lieu du petit déjeuner ? Le gain en confort est immédiat, cette position assise en hauteur est bien meilleure pour manger que la position assise par terre, l’estomac comprimé et les fesses dans la rosée (il y a bien longtemps que les scouts ne savent plus se tenir confortablement accroupis à la manière des peuplades primitives). L’ambiance est plus détendue : il n’y a plus de quarts renversés, le travail des serveurs est grandement facilité et les scouts se lèvent plus facilement pour rendre service. Une fois cette façon de faire adoptée, beaucoup se construisent des tables basses pour y installer leur petit déjeuner, il n’y a plus de frein à l’imagination des scouts.

Bien rire et chanter

Puisque notre patrouille était confortablement installée sur l’aire du petit déjeuner pourquoi ne pas se servir des bancs pour la veillée qui souvent se déroule au même emplacement ? Nous obtenons immédiatement les mêmes avantages. Assis, on chante bien mieux qu’avec le ventre comprimé, la mauvaise tendance naturelle qu’ont les scouts à se vautrer peu à peu pendant la veillée est éradiquée. La participation est meilleure car il est facile de se propulser d’un bond au milieu de l’aire de veillée lorsque la position de départ est déjà surélevée. Faire un effort physique initial est souvent un frein psychologique très important pour les plus timides : le voici supprimé. Le contact entre le meneur debout et son public est bien meilleur lorsque les scouts sont assis sur des bancs qu’assis à terre un cran plus bas.

Lors des saynètes, par la puissance de l’imagination, ces bancs se transforment en une quantité d’accessoires qui soutiennent l’action. Certaines patrouilles n’hésitent pas à apporter leur table qui devient au gré des sketches, forteresse, bateau, pont-levis, estrade, bar et encore bien d’autres objets issus de l’imagination fertile des scouts. Plus couramment les bancs se muent en pirogues, cheval, moto ou autres véhicules. Il n’est pas rare alors que les patrouilles se mettent à créer des accessoires pour le seul besoin d’une saynète. Les saynètes s’élèvent alors à un autre niveau car les scouts sentent bien qu’il faut accorder la valeur du jeu des acteurs à celle des accessoires.

Bien commander

L’appel au CDC retenti au moment du goûter, les chefs de patrouille emporteront leur banc au Kraal pour le Conseil Des Chefs. Les bienfaits de la position assise leur permettent de mieux profiter du petit « jus » servi avec leur goûter et bien sûr de la bonne parole du chef.

Bien se dépenser

Les olympiades au camp ne peuvent se concevoir sans un parcourt Hébert. L’originalité et la difficulté de ce parcours seront fonction de la nature du terrain et de l’imagination des chefs mais il est certain que bon nombre d’obstacles classiques peuvent être imaginés à partir de l’utilisation des bancs de patrouille. L’obstacle le plus évident est le dessus-dessous mais on peut imaginer un ramping. À cette occasion on n’hésitera pas à modifier sauvagement ces pauvres bancs pour réaliser des obstacles plus délirants les uns que les autres. À l’issue des olympiades, les bancs retourneront à leur paisible fonction. Les bancs sont juste une entrée en matière, une manière de planter le décor ; avec un peu d’expérience du forestage la troupe va pouvoir réaliser des accessoires pour des épreuves beaucoup plus drôles. Les échasses en bois sont un bon exercice de forestage pour un débutant et c’est plus sportif que les moches boîtes de conserve tenues sous les pieds par des ficelles.

 

trailing

tirette

echassesLes trailings donnent lieu à des scènes de voltige désopilantes (attention à la sécurité tout de même) mais comme il n’y a qu’une seule roulette, le débit des descendeurs n’est pas très soutenu et il faut remonter la roulette après chaque descente ; chaque patrouillard devrait se fabriquer une glissette de sécurité en bois. Bien graissée avec du savon noir, ce type de glissette permet des débits extrêmement élevés et toute une patrouille peut descendre le trailing en quelques dizaines de secondes, les glissettes restent sur le câble tandis que la patrouille se rue vers le nouvel obstacle, elles sont récupérées après l’épreuve. Avec une rondelle et un axe de bois on peut lancer des vraies courses de brouettes qui sont à se tordre de rire. Les scouts affectionnent les courses de chars mais ils devraient plutôt les nommer course de charrues ; quelques rondelles bien placées et bien fixées et la charrue se transforme en char. Et pourquoi ne pas faire des karts qui seraient poussés par les patrouilles ou lancés dans une pente ?

  brouette

Bien prier

lutrinEt la sainte Messe ! Imaginons qu’au lieu du classique et sempiternel carré formé par la troupe rassemblée autour de l’autel, formation fort peu adaptée à cette sainte cérémonie, nous reproduisions, grâce aux bancs des patrouilles, l’ordonnancement d’une chapelle ! Tout est transformé. Les plus jeunes vont devant et tâchent de suivre dans leur missel sous la direction des aînés placés en arrière. La maîtrise tout à l’arrière peut mieux surveiller l’ensemble de la cérémonie et les éternels dissipés n’ont plus qu’à bien se tenir. Grâce à l’allée centrale on peut imaginer des processions. L’homélie dure-t-elle un peu trop longtemps ? Aucune importance, les scouts bien assis sont réceptifs beaucoup plus longtemps. L’ensemble de la Messe est rythmé par les stations debout, assise, agenouillée. Il est tout à fait possible d’éliminer ainsi tout ce qui pouvait rendre rébarbative la Messe au camp. Les moins mystiques auront ainsi une chance réelle de s’ouvrir à la spiritualité. L’équipement de la chapelle du camp ne doit pas s’arrêter aux bancs. Il est enfantin de réaliser en plus d’un chandelierbel autel, un lutrin, une table de communion, des candélabres, un siège pour le célébrant, un beau crucifix adaptable à une hampe et sur l’autel et encore d’autres accessoires du culte. L’utilisation effective de ces accessoires ne manquera pas d’éveiller la fierté de leurs réalisateurs et bientôt leur curiosité. Les moins bien préparés peuvent ainsi le temps d’un camp découvrir les mystères et la grandeur de Dieu, c’est l’un des buts du scoutisme, voilà comment le forestage devient le moyen de ce but. Ces quelques exemples ne sont absolument pas limitatifs mais ils permettent de bien faire comprendre que le forestage ne se limite pas à quelques jours au début du camp mais que cette technique fait partie intégrante de tout le camp de par l’état d’esprit qu’il lui imprime tout au long de sa durée.

Le forestage devient LE camp

Toutes les phases de la vie au camp peuvent être transformées par une utilisation judicieuse du forestage. Nous avons vu comment cela était possible avec le petit déjeuner, la veillée, la sainte Messe, le CDC, les olympiades mais tu peux imaginer d’améliorer également le lever des couleurs, le grand jeu, le concours de cuisine, la tente d’intendance, la toilette, la baignade….

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Quand le forestage est bien compris et assimilé par les scouts, la production d’objets devient véritablement sidérante. Le moindre temps libre est utilisé pour inventer et façonner toute sorte d’objets et malgré un nettoyage quotidien, les coins de patrouille restent en permanence jonchés de copeaux. Voici pêle-mêle une liste d’objets que j’ai vus réalisés au camp par des scouts : rocking chair, fauteuil, brouette, kart (qui servit pour des olympiades), échelle simple, échelle double, mitrailleuse (pour une veillée), lustre, diable (pour porter les cantines au retour du camp), paire de béquille, brancard, cage à poule, cheval de bois, couverts et écuelle, cintres à uniforme, manches de hachette, candélabre et j’en oublie.

 

kart

bol

Les plus adroits s’essayent à la sculpture et à la vannerie tandis que les débutants commencent par des tabourets qu’ils rapporteront fièrement chez eux. Quand une troupe atteint ce niveau, elle reproduit exactement le comportement des bûcherons d’autrefois qui agrémentaient leur dure vie par la joie de façonner et de mériter son confort. La finalité du forestage n’est pas autre chose, c’est la joie d’exercer son ingéniosité, son habileté et sa persévérance sur les matériaux de la nature, avec peu d’outils, c’est la satisfaction finale de l’objet utile, confortable ou beau tout simplement.

Le forestage : c’est une longue halte dans la forêt, du bois brut, quelques outils simples et l’envie de s’installer confortablement.

 

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